séparation rivière canal


La rivière Ourcq prend sa source dans une prairie humide au-dessus de Fère-en-Tardenois dans le département de l'Aisne. À partir du petit village de Silly-la-Poterie, au lieu-dit Port-aux-Perches au bord de la forêt de Retz, commence la partie canalisée de la rivière. Cette petite rivière suit une large vallée et se jette dans la Marne, à Mary-sur-Marne, près de Lizy-sur-Ourcq, après un cours d'environ 87 km. Les travaux de canalisation ont détourné la rivière à partir de Mareuil sur Ourcq. La majeure partie de son eau se dirige alors vers Paris par un canal en site propre, le canal de l'Ourcq proprement dit, d'une longueur de 96,6 km[1].
En entrant dans Paris, le canal passe sous le pont-levant de la rue de Crimée pour s'élargir dans la grande gare d'eau de la Villette. Il alimente alors le canal Saint-Martin et le canal Saint-Denis.

Les premiers travaux furent inspirés par les besoins de l'approvisionnement de la capitale en bois de chauffage et de construction tirés de la forêt de Retz, propriété sous l'Ancien Régime des familles de Valois et d'Orléans. Cette forêt fut un immense domaine de chasse mais surtout la source de revenus considérables. François de Valois, futur François Ier, réorganise la forêt. Il crée la capitainerie des chasses de Villers-Cotterêts, fait percer les premières laies forestières, construire le château et capter les sources. C'est Léonard de Vinci qui aurait réalisé les premiers essais d'écluse à sas de France, sur la rivière de l'Ourcq.

Après 1560, commence la canalisation de l'Ourcq, la construction de réservoirs dont les étangs de la Ramée et d'un système de flottage et d'écluses simples (des pertuis) permettant d'acheminer vers Paris les produits de la forêt. En 1661, les privilèges et péages de l'Ourcq sont attribués à Philippe d'Orléans, par Louis XIV, son frère. Cette mesure est à l'origine du "canal des Ducs", œuvre de Louis de Régemortes au XVIIIe siècle.
 

TRAVAUX SUR LA RIVIÈRE CANALISÉE
 
Dès le XVIème siècle, la Ville de Paris a mis la main sur la rivière d’Ourcq. Le bateau des Nautes, qui figure sur ses armes, navigue depuis des siècles sur l’Ourcq comme sur la Seine. Le 26 mai 1520, des lettres patentes de François 1er autorisent le prévôt des marchands et les échevins de Paris à « faire curer, nettoyer et rendre navigables tant lesdits rus et rivières de Seine, Vanne, Morin et Ourcq, qu’autres étangs et démolir tout moulin qui nuirait à la navigation ».
Les travaux de canalisation de la rivière commencent dès 1529 : on construit des barrages et des portes ou « portereaux » pour les franchir. Mais les rivalités entre concessionnaires ralentissent considérablement les travaux. Catherine de Médicis, propriétaire à son tour de la forêt de Retz, relance l’affaire en 1562 et deux ans plus tard, les premiers bateaux venant de la Ferté Milon par l’Ourcq et la Marne débarquent à Paris. On fait tirer le canon pour les saluer.
 
Sous Louis XIII, en 1631, sont entrepris de nouveaux travaux destinés à contourner les biefs usiniers - où sont les moulins- par des biefs navigables. À partir de 1656, les bateaux peuvent descendre de Silly-La-Poterie à Mary-sur-Marne, en franchissant 21 portes. En 1661, Louis XIV donne en apanage le duché de Valois à son frère, le duc d’Orléans, à l’occasion du mariage de celui-ci avec Henriette d’Angleterre, en précisant que le duc devra perfectionner la navigation sur l’Ourcq et dédommager les concessionnaires. Les ducs d’Orléans successifs vont réaliser des travaux considérables : redressement du cours de la rivière, élévation du niveau des eaux.
 
 
PROJETS DE CANALISATION :
 
Dès 1676, Louis XIV, sur l’initiative de Colbert, accepte l’idée de Pierre-Paul Riquet de Bonrepos, génial créateur du canal du Midi : canaliser l’Ourcq pour deux usages :
- porter des bateaux marchands directement de l’Ourcq à Paris sans passer par la Marne.
- ravitailler Paris en eau.
Ce projet a pour objet de dériver l’Ourcq à Lizy-sur-Ourcq, son confluent avec la Marne, jusqu’au faubourg Saint-Antoine. Malheureusement, la roche de Crégy-les-Meaux est si dure que le chantier doit s’arrêter là, le projet ne sera jamais concrétisé. Riquet meurt en 1680, six mois avant l’inauguration de son chef d’œuvre, le canal du Midi, et Colbert, principal appui du projet, tombe en disgrâce et meurt en 1683.
 
C’est le « Siècle des Lumières » qui verra éclore le plus de projets concernant la canalisation de l’Ourcq. Le plus intéressant est celui de Jean-Pierre Brullée, soutenu par Lavoisier et Condorcet. En 1786, il prévoit de prendre l’eau de la Beuvronne à Claye-Souilly pour l’amener, d’une part, dans le bassin de l’Arsenal, d’autre part, jusqu’à Saint-Denis et même à Pontoise.
Le plan de Brullée est repris à maintes reprises. De tous ces projets, ressort une idée : il faut aller chercher l’eau de l’Ourcq assez haut, à Mareuil-sur-Ourcq. Le projet de canal est donc définitivement au point sous la Révolution.
C’est avec l’arrivée au pouvoir de Bonaparte que les choses vont soudainement s’accélérer. Les conditions propices à une politique de grands travaux sont  réunies : la France a des ingénieurs compétents ; Bonaparte instaure un pouvoir fort ; la paix avec l’Autriche et l’Angleterre semble assurée ; et la bourgeoisie tend à devenir une puissance financière.
Rappelons qu’à cette époque en effet, l’eau de la Seine monte dans Paris par 29 pompes à feu qui fournissent 8 000 m3 d’eau par jour. D’autres fonctionnent à bras d’hommes ou par des chevaux. La boue jaunâtre est filtrée dans des entonnoirs garnis d’éponges, de sable et de grès et enfin de poudre de charbon. On pense, à cette époque, que l’on nettoie l’eau parfaitement en la filtrant par les 3 grands règnes qui existent sur Terre : l’animal (pour les éponges), le minéral et le végétal.
 
 
CONSTRUCTION DU CANAL :
 
Le corps législatif adopte « sans débat », le 19 mai 1802, la loi créant le canal et la première pierre est posée le 23 septembre. Le financement est pris sur le produit de l’Octroi, complété par une taxe sur les vins. Les travaux sont confiés à Pierre-Simon Girard, vétéran de la campagne d’Egypte, pour le canal de l’Ourcq, et au vicomte René-Edouard de Villiers du Terrage pour les canaux de Saint-Martin et Saint-Denis devant déboucher en Seine.
En 1805, Napoléon 1er clôt les débats des ingénieurs et décide que l’ouvrage « portera bateaux ».
 
Dans un premier temps, le canal est creusé en direction de la Beuvronne vers Claye-Souilly. Il connaît plusieurs éboulements dans la tranchée du Bois Saint-Denis vers Tremblay en France.
Dès 1803, des prisonniers prussiens sont mis au travail en plus des ouvriers. Beaucoup d’entre eux périront sur le chantier, mais le 15 août 1813, le premier bateau part de Claye-Souilly et arrive à la Villette.
La chute de l’Empire va considérablement retarder les travaux. D’ailleurs, le canal n’ira jamais jusqu’à Pontoise comme le prévoyait la loi de 1802. Le gouvernement de la Restauration va confier la concession du canal en 1818 à la Compagnie Vassal et Saint-Didier. Elle doit terminer les travaux et entretenir le canal pendant 99 ans. En contrepartie, elle recevra les péages et les revenus, tandis que la Ville de Paris se charge de l’achat des terrains
 
Le canal Saint-Denis est ouvert à la navigation le 13 mai 1821, tandis que, sur le canal de l’Ourcq, Pierre-Simon Girard se heurte à toutes sortes de difficultés : sur le terrain, le canal déjà creusé est en fort mauvais état. Il fuit de partout et s’écroule par pans entiers, car les travaux ont été menés trop vite et avec une piètre main d’œuvre, celle des prisonniers et des « ateliers de charité ». Il faut tout reprendre.
Ce n’est qu’à la fin 1822 que la navigation est ouverte de Saint-Denis à Mareuil-sur-Ourcq, tandis qu’au-delà, l’Ourcq, canalisée depuis le XVIème siècle, reste en service.
 
Quant au canal Saint-Martin, les travaux s’éternisent jusqu’en 1823. On discute, aux Ponts et Chaussées du tracé du canal, finalement un tracé définitif est adopté, qui n’est autre que le tracé prévu en 1803. Les premiers bateaux venant de Mareuil-sur-Ourcq entrent sur le canal Saint-Martin le 4 novembre 1825.
Le réseau des canaux de Paris est achevé après 23 ans de travaux.

écluse



LA VIE DU CANAL :
 
Dès les années 1830, on limitera la consommation de l’eau de l’Ourcq comme eau potable à Paris pour l’interdire définitivement en 1885. Pourtant, les scientifiques du début du siècle considéraient l’eau de l’Ourcq comme meilleure par rapport à la Seine et à la Bièvre. On louait sa faculté à dissoudre le savon et sa rapidité pour la cuisson des aliments.            
Mais, si l’eau de l’Ourcq n’est plus consommée, le canal reste le meilleur moyen d’atteindre Paris et de fournir à la capitale notamment les matériaux de construction nécessaires aux projets de transformation de Paris du Baron Haussmann sous le Second Empire.
On voit surtout flotter des « trains » de flûtes et demi flûtes sur le canal de l’Ourcq. C’est un des termes empruntés par les chemins de fer à la navigation : ce sont plusieurs flûtes (bâteaux fluviaux de petit gabarit) d’Ourcq reliées entre elles, pleines de pierres, de bois, de céréales et du plâtre arrivant des « gares » de chargement situées au long du canal de l’Ourcq.
 
Cette activité croissante, durant la fin du XIXème siècle, rend cruciale l’alimentation en eau du canal de l’Ourcq, puisque c’est lui qui alimente les canaux de Saint-Denis et de Saint-Martin. Or, de 1858 à 1865, des périodes de sécheresses très importantes mettent en péril le trafic fluvial.
La navigation est pratiquement paralysée par le manque d’eau (40 jours d’arrêts certaines années sur le réseau des canaux).
Le 14 avril 1866, deux décrets impériaux sont pris, ils autorisent des pompages dans la Marne pour parfaire le débit du canal de l’Ourcq en période d’étiage (niveau d’eau bas). On entreprend alors la construction de deux usines élévatoires, l’une à Trilbardou au point kilométrique 38, entre Meaux et Paris, l’autre, à Villers-les-Rigault au point kilométrique 73, entre la Ferté-Milon et Meaux.
 
Aujourd’hui, le transport de marchandises continue sur les canaux de Saint-Martin, Saint-Denis et la partie à grand gabarit du canal de l’Ourcq. Il a cessé d’exister sur la section à petit gabarit du canal de l’Ourcq en 1960. Cette partie accueille maintenant des activités touristiques le long du canal (piste cyclable de 24 km de long, randonnées pédestres sur le chemin de halage ou navigation de bateaux de plaisance, découverte du patrimoine).
 
(Texte transmis par M. Claude GAUDIN, Ingénieur de la Ville de Paris)